- APENNIN
- APENNINL’Apennin est la chaîne montagneuse qui constitue l’ossature de la péninsule italienne. Il est flanqué latéralement de basses montagnes anti-apennines, tels les volcans du Latium, avec lesquelles il importe de ne pas le confondre. On aurait grand tort d’imaginer que l’Apennin ressemble aux Alpes sous prétexte qu’il les prolonge topographiquement et qu’il est, géologiquement parlant, une chaîne «alpine»: les roches ne sont pas disposées en zones parallèles; elles n’ont pas été portées aussi haut par les mouvements tectoniques; le climat y est sensiblement plus chaud; l’homme, enfin, n’utilise pas les ressources naturelles de la même façon.GéologieIl faut séparer de l’Apennin (fig. 1) la zone de flyschs et de calcaires de la Lucanie, ou Basilicate, et le massif cristallin de Calabre (l’ensemble se rattachant par la Sicile aux structures de l’Afrique du Nord), ainsi que les grandes masses calcaires des Pouilles et du Monte Gargano, qui représentent l’avant-pays commun à l’Apennin et aux Dinarides (zone d’Apulie ).Les montagnes de Campanie et des Abruzzes sont formées par des calcaires massifs secondaires et tertiaires qui définissent une zone des Abruzzes découpée par des failles puissantes déterminant les altitudes maximales de la péninsule italienne (Gran Sasso). La série sédimentaire est très voisine de celle de la zone d’Apulie; mais si cette dernière est restée autochtone, les structures des Abruzzes et de la Campanie sont largement chevauchantes vers l’est. La zone des Abruzzes paraît donc être le bord apenninique de la zone d’Apulie entraînée dans les chevauchements frontaux de l’Apennin. Dans l’Apennin méridional, entre Campanie et Pouilles s’intercale la zone du Molise , ou zone bradanique (du nom du fleuve Bradano), formée de terrains secondaires et tertiaires pélagiques charriés vers l’est.Les Marches, l’Ombrie et la plus grande partie du Latium sont formées par une série de calcaires secondaires en dalles, moins puissante que celle des Abruzzes, terminée par des formations tertiaires marno-gréseuses. Ces terrains, caractéristiques de la zone d’Ombrie , sont déformés par des plis de style jurassien, l’ensemble chevauchant vers l’est la zone des Abruzzes. Un important couloir de failles, la «ligne» d’Anzio-Ancône , sépare ces domaines de l’Apennin central de la zone des Abruzzes.La Toscane et la Ligurie orientale sont formées d’une série de flyschs d’âge crétacé surmontant des schistes jurassiques associés à des radiolarites et à des ophiolites. Cette série définit une zone ligure dont les terrains sont charriés sur la zone d’Ombrie – qui apparaît à son front à l’est – et sur une zone de Toscane définie par sa série calcaire réduite, surmontée d’un flysch tertiaire gréseux (Macigno) – qui apparaît dans diverses fenêtres dont les plus connues sont celles de La Spezia, Carrare, Bobbio, etc. (fig. 2).Au méridien de Gênes, l’étroite zone de Sestri-Voltaggio est la cicatrice tectonique entre l’Apennin et les Alpes, qui commencent à l’ouest pour former, en bordure de mer, la Ligurie occidentale.Ce bâti tectonique résulte d’une évolution qui s’étend à l’ensemble du Secondaire et du Tertiaire ancien: zone d’Ombrie et zone toscane représentent la marge continentale de l’Apulie, qu’on peut considérer comme un éperon du continent africain, en bordure de la Téthys aujourd’hui cicatrisée et dont sont issues les nappes ligures à la fin du Crétacé et au Paléogène, tandis que la déformation et les charriages se poursuivront dans les zones plus externes (à l’est, Ombrie, Abruzzes) jusqu’au Miocène.L’histoire de l’Apennin comporte ensuite:– une période tarditectonique , dont les deux éléments sont l’arrière-fosse liguro-piémontaise , dans laquelle se sont déposées de puissantes séries de molasses (marnes, grès, conglomérats) d’âges éocène, oligocène puis miocène, et l’avant-fosse italo-dinarique , qui va de la Vénétie, au nord (Frioul), au golfe de Tarente, au sud, par les Marches et le Molise, et dans laquelle se sont accumulées des molasses miocènes; cette dernière est l’avant-fosse commune à l’Apennin et aux Dinarides, d’où son nom; elle se développe comme un bassin flexural au front de la chaîne apenninique et gagne progressivement vers le nord-est au cours du temps;– une période néotectonique que caractérisent des effondrements et des surrections par failles, lesquelles dessinent un réseau dont les deux directions sont nord-est - sud-ouest et nord-ouest - sud-est. Les éléments essentiels en sont: la plaine du Pô au nord, formée de terrains plioquaternaires; le bord adriatique de l’Italie jusqu’au Monte Gargano, formé de terrains pliocènes soulevés qui se poursuivent en une frange entre le Monte Gargano et les Pouilles d’une part et le Molise d’autre part. Mais, d’une manière plus générale, les effondrements de l’Adriatique et des mers Ionienne et Tyrrhénienne sont liés à ces mouvements qui ont donné à l’Italie sa configuration oblique par rapport à la tectonique de l’Apennin (fig. 1). Ainsi, l’Italie méridionale correspond à l’Apennin externe et l’Italie septentrionale à l’Apennin interne.En vérité, les choses ne sont pas aussi tranchées, et, après la fermeture de la suture alpine dont sont nées les grandes nappes apenniniques, la compression Afrique-Europe se poursuivit, accompagnée de chevauchements plioquaternaires dans l’avant-fosse italo-dinarique, liée au développement d’une subduction intracontinentale dans l’avant-pays apulien. Dans la mesure où les nappes de charriage liées à la fermeture de l’océan téthysien sont communes dans tout le domaine alpin qu’elles caractérisent, on pourrait dire que les charriages tardifs, dus à la subduction continentale dans l’avant-pays, sont plus particulièrement apenniniques.La mise en place des nappes de l’Apennin septentrional est accompagnée d’un léger métamorphisme dans les parties les plus internes (nord-ouest): on lui doit, par exemple, la formation des marbres de Carrare, d’âge jurassique, appartenant à la zone toscane et métamorphisés sous les nappes ligures. Quelques granites se mettent en place pendant la période tarditectonique, sensiblement au Miocène: granites des îles d’Elbe, de Giglio, de Montecristo, etc.; on n’en rencontre pas dans l’Apennin lui-même. Enfin, les effondrements néotectoniques sont accompagnés d’un puissant volcanisme à dominante basaltique dont les centres les plus importants sont la région romaine (volcans éteints), la région napolitaine (notamment le Vésuve) et le Vulture dans le Molise.ReliefLe relief dominant est l’association entre haut plateau et bassin intramontagnard (ou conque ). Les hauts plateaux ont l’apparence de surfaces structurales mais sont, le plus souvent, des surfaces d’érosion très récente. Plusieurs raisons expliquent cette netteté des aplanissements: ils sont jeunes (miocènes, pliocènes, voire du Quaternaire ancien), ils n’ont pas été plissés mais seulement faillés (d’où l’association plateau soulevé – bassin effondré), enfin ces dislocations par failles sont très récentes: les Abruzzes, par exemple, ont doublé d’altitude durant l’ère quaternaire. D’ailleurs la sismicité actuelle est forte, et souvent d’origine tectonique; on peut donc admettre que l’Apennin est l’une des chaînes les plus récentes d’Europe. Le corollaire de cette hypothèse est que le réseau hydrographique a un tracé coudé généralement «antécédent», que les gorges abondent, et que les plateaux karstiques sont très diversement évolués. Enfin on notera la médiocrité de l’empreinte glaciaire quaternaire, qu’expliquent les conditions d’altitude et de climat.Climat et végétationL’unité climatique de l’Apennin est remarquable. Le climat est méditerranéen à étés lumineux, mais les masses montagneuses, par l’accroissement de l’amplitude thermique annuelle et des totaux de précipitations, le marquent d’une surprenante rudesse. Potenza, à la latitude de Naples, mais à 826 m d’altitude, reçoit 1 m de précipitations réparties sur 90 jours seulement et subit 40 jours de gel par an. L’hiver, la chaîne est couverte de neige au-dessus de 1 500 m; le versant tyrrhénien est, sauf exception, plus arrosé, et le versant adriatique plus continental. La végétation est méditerranéenne jusqu’à 400 m d’altitude au nord, et, jusqu’à 1 800 m environ, s’étend la forêt; celle-ci, composée essentiellement de chênes, de pins et de châtaigniers, forme aux plus hautes altitudes une fort belle hêtraie à laquelle s’ajoutent au nord le sapin blanc, ailleurs le chêne chevelu. Grâce, d’une part, aux conditions climatiques, d’autre part, à l’importance des roches calcaires qui emmagasinent l’eau, les rivières apennines ont un débit abondant et soutenu jusqu’au cœur de l’été: fait important pour la mise en valeur de la région.Données économiquesFréquenté par l’homme depuis le Paléolithique inférieur (Abbevillien des Abruzzes), l’Apennin apparaît comme une montagne refuge à cause de la multiplicité de ses défenses naturelles: gorges, escarpements, neiges d’hiver, forêts. Des loups y sévissaient hier encore. Les Néolithiques y refluèrent sous la pression des «invasions» nordiques. Puis on dut organiser la résistance à toutes les influences politiques ou culturelles de la plaine: les fameux bandits des Abruzzes ou de Calabre n’étaient souvent que des maquisards. Mais le cloisonnement topographique, la variété ethnique, la pauvreté économique empêchèrent l’unité politique. L’Apennin appartint toujours aux gens de la plaine, qui avaient besoin de son eau, de son bois, de ses pâturages. De nos jours, la moitié sud de la chaîne supporte encore les séquelles de la domination napolitaine.L’économie traditionnelle est celle d’une montagne méditerranéenne classique: céréaliculture extensive, quelques cultures arrosées dans les conques, arboriculture (châtaigniers, amandiers) et surtout élevage du petit bétail, avec montée vers les hauts pâturages en été et descente dans les plaines en hiver, sans oublier la relative importance de la vie forestière. Chose curieuse, la population n’habita jamais très haut, et Castelluccio di Norcia, village le plus élevé de l’Apennin, n’est qu’à 1 453 m: d’où, sans doute, l’abaissement artificiel de la limite de la forêt. Toutefois, on comprend mal que l’habitat soit si mal adapté aux conditions climatiques et aux impératifs de l’élevage. Bien qu’à l’activité rurale se soient ajoutés l’artisanat (battage du cuivre) et quelques industries (alimentation, extraction, papeterie), le niveau de vie des populations apennines est longtemps resté très précaire.La médiocrité des ressources et la persistance de structures sociales archaïques firent de l’Apennin un important foyer d’émigration. Émigration dans les limites nationales d’abord: il fut un temps, à Rome, où une cuisinière était inévitablement d’Amatrice, et une nourrice de la Ciociaria. Émigration lointaine ensuite, vers la France, la Belgique, le Canada, le Venezuela. Beaucoup de villages furent dépeuplés – du moins de leurs habitants mâles – et de nombreux champs abandonnés; il n’y avait plus personne pour conduire les troupeaux. Ce destin est commun à de nombreuses montagnes pauvres.Mais, depuis une ou deux générations, l’économie de l’Apennin se modernise progressivement. Modernisation due d’abord aux effets de la réforme agraire, puis aux travaux de la Cassa del Mezzogiorno: il s’agissait de lutter tantôt contre le «microfundium» (conque du Fucino), tantôt contre le latifundium (Calabre). On améliora le réseau routier, souvent grâce à des équipes de chômeurs. Le développement concerté du tourisme s’affirme: soit tourisme d’hiver en direction des champs de neige (L’Abetone, Terminillo, Campo Imperatore, Roccaraso), soit tourisme d’été permettant de fuir les plaines surchauffées. Surtout, on constate que l’industrie moderne commence à mettre à profit les ressources énergétiques de la montagne, comme dans les Alpes. L’hydro-électricité de l’Apennin est appréciée, car, loin des Alpes, la péninsule est dépourvue de source d’énergie. Le courant électrique, appoint aux besoins énergétiques de la plaine du Pô, alimente aussi les centres industriels du versant tyrrhénien; il est également utilisé sur place depuis longtemps, sur la marge même de l’Apennin (Terni), depuis peu au cœur de la chaîne (Bussi): on en use pour l’électrochimie et pour l’électrométallurgie. Enfin, les plaines périphériques de la péninsule doivent à l’Apennin leurs eaux d’irrigation et leur eau potable: Rome boit l’eau de l’Aqua Marcia, et les Pouilles sont ravitaillées par un acqueduc de 300 km de long.Paysages régionauxEnfin il faut mettre l’accent sur la variété des paysages de l’Apennin. On dit souvent «les Apennins», et à juste titre, car il y en a plusieurs.L’Apennin septentrional commence au col de Cadibone. Il prolonge donc en apparence les Alpes ligures, et va jusqu’à la Bocca Serriola. L’Apennin ligure (1 803 m) est le plus âpre, et il tombe directement sur le golfe de Gênes, tandis que l’Apennin tosco-émilien est le plus élevé (2 163 m) et le plus boisé. Leur activité, sylvo-pastorale, est peu rentable; l’existence de cette mince chaîne se réduit à être un obstacle que l’on s’est efforcé de franchir par tous les moyens: des gazoducs, une vingtaine de lignes électriques à haute tension, plus de vingt cols routiers et une dizaine de voies ferrées. Le passage le plus fréquenté se trouve naturellement au droit du port de Gênes.L’Apennin central s’étend jusqu’à la Bocca Forli. Il est nettement plus élevé, puisque 3 p. 100 de sa surface sont situés à plus de 2 000 m d’altitude. On y distingue d’abord l’Apennin ombro-marchesan (2 478 m), puis l’Apennin abruzzais, lequel possède, avec le Gran Sasso d’Italia, le culmen (2 912 m) et le seul petit glacier de la péninsule. Cet Apennin central est calcaire, et le contraste est grand entre les pacages de ses plateaux karstiques et les cultures arrosées de ses conques. Mais il est également large et complexe, et il possède une activité régionale positive, avec des villes anciennes (Pérouse, L’Aquila, etc.) et des centres industriels: Fabriano et ses papeteries, Terni et son importante industrie sidérurgique, Bussi et son électrochimie. Dans les Abruzzes, en particulier, certaines installations hydro-électriques sont de conception fort audacieuse (complexe Provvidenza), et les preuves de dynamisme se multiplient.Tout autre est la situation de l’Apennin méridional . Encore faut-il en distinguer les régions: l’Apennin napolitain, ou campanien (2 050 m) et plus encore l’Apennin lucanien (2 248 m) sont probablement les plus déshéritées de toute l’Italie. Elles doivent ce triste privilège à leurs sols trop ravinés s’ils sont argileux, trop secs s’ils sont calcaires; au retard de l’équipement aussi; mais surtout à l’archaïsme de leur structure sociale. Ce voisinage accentue, évidemment, la bonne impression que fait maintenant l’Apennin calabrais: sur ses sols granitiques et bien arrosés, les forêts sont fraîches et profondes, et un récent effort de bonification des terres a déjà donné des résultats intéressants, particulièrement dans la Sila. Il faut remarquer que si la chute de l’Apennin méridional dans la mer Tyrrhénienne, à partir de la presqu’île de Sorrente, donne toute sa beauté au littoral, elle empêche malheureusement sa mise en valeur puisqu’elle le verrouille.Apennin (l') ou Apennins (les)chaîne de montagnes qui s'étend du N. au S. de l'Italie, sur 1 300 km env.; 2 914 m au Gran Sasso (Abruzzes).⇒APENNIN, INE, adj.Qui a rapport aux Apennins :• 1. J'herborise au tombeau de Cecilia Metella : le réséda ondé et l'anémone apennine font un doux effet sur la blancheur de la ruine et du sol.CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 3, 1848, p. 547.• 2. Ainsi voit-on les Germains recouvrir de leurs alluvions successives la plaine du Pô et les vallées apennines où vivent les Italiens auparavant mélanisés par la politique de Rome, ...É. FAURE, L'Esprit des formes, 1927, p. 68.PRONONC. — Seule transcription ds FÉR. 1768 : Apé-nein.ÉTYMOL. ET HIST. — 1826-48, supra; 1831 « relatif aux Apennins » (MICHELET, Hist. romaine, t. 1, p. 143 : de ces vallées pluvieuses, de ces « catacombes apennines » comme les appelaient nos Français, le voyageur passe).Du nom des Apennins, chaîne de montagnes d'Italie.STAT. — Fréq. abs. littér. :9.apennin, ine [apenɛ̃, in] adj.ÉTYM. V. 1830; de Apennins.❖♦ Rare. Des monts Apennins, en Italie. || Les vallées apennines.
Encyclopédie Universelle. 2012.